La série WILL #1 L’écoute active
En 2023 en France, 93% des salariés sont désengagés. Adèle en fait partie. À 32 ans, elle a tout pour être épanouie : bonnes études, poste intéressant et bien payé dans une entreprise reconnue. Et pourtant, une amie lui a suggéré de rencontrer Will pour parler de sa carrière…
Transcript
Introduction
Will : En 2023 en France, 93% des salariés sont désengagés. Adèle en fait partie. Pourtant à 32 ans, elle a tout pour être épanouie. Elle a fait de bonnes études, occupe un poste intéressant et bien payé dans une entreprise reconnue. Et pourtant, une amie lui a suggéré de me rencontrer pour parler de sa carrière.
Je suis Will, créateur de la méthode éponyme qui permet aux salariés, managers et dirigeants de réconcilier humain et performance dans leur travail.
Épisode
Will : Alors Adèle, raconte moi ce qui ne va pas.
Adèle (énervée) : Franchement ? Tout. Je ne supporte plus mon boulot, et je suis pas la seule, personne n'est épanoui autour de moi. Ça avait bien commencé chez IFG, mais depuis quelques mois, on nous parle que de croissance, avec des objectifs toujours plus élevés... Je passe mes journées à courir, j’ai l’impression d’être toute seule… Franchement, je vais exploser. (Blanc) Faudrait que je parte… Mais je suis tellement sous l'eau que j’ai même pas le temps de chercher ailleurs.
Will (face caméra) : Pause (il souffle) ! Après ce que vient de dire Adèle, on pourrait être tenté de lui poser plein de questions pour mieux comprendre son problème et l’aider. C'est ce qu'on appelle la posture "détective". Écoutez :
Will (en mode mitraillette) : Pourquoi ton entreprise ne parle que de croissance ?
Adèle : Elle a été rachetée par un fond à qui on avait vendu une croissance à deux chiffres, et on ne les fait pas du tout.
Will : Ok. Et t’en as parlé à ton manager ?
Adèle : Déjà, si je le vois une heure par semaine, c’est déjà beaucoup… Et quand je le vois, c’est surtout pour lui dire où j’en suis.
Will : et t’as déjà des pistes de boite où tu voudrais aller ?
Adèle : non, j’ai pas eu le temps d’y réfléchir, mais il faudrait que je le fasse.
Will (face caméra) : Je vais m’arrêter là. On pense aider Adèle, sauf que... est-on sûr que c’est le bon problème? Est-ce qu'il n'en cache pas d'autres plus profonds? Pour le découvrir, je vous propose une autre approche, le mode "coach". Et pour ça, je vais utiliser l'écoute active. Essayez de repérer les différences.
Will : Tu disais que personne n’est épanoui dans son travail ?
Adèle : Oui, même si personne… C’est peut-être un peu excessif.
Will : excessif ?
Adèle : C'est juste que, quand je regarde dans mon entourage, des gens vraiment épanouis, y'en a pas des masses, à part Thibaut, mon mec. C’est vrai que j’y avais même pas pensé.
Will Hum hum (silence pendant qu’elle parle)
Adèle (hésitation, elle enchaîne comme will ne dit rien) : Mais lui, c'est différent.
Will : C’est différent ?
Adèle : Ben oui, il est développeur informatique... Mais bon en même temps, c’est vrai qu’il avait démissionné de son ancien boulot... Au final, ça dépend peut-être aussi de l'entreprise…
Will (face caméra) : Vous avez vu ce que j’ai fait ?
Un, j’ai laissé des blancs, ça permet à Adèle d’aller plus loin dans son propos.
Deux, j’ai reformulé mot à mot, ça lui permet de nuancer ce qu’elle dit : elle est passée de “personne n’est épanoui” à “finalement certains le sont”.
Et le fait qu’elle le conscientise par elle-même, c’est beaucoup plus puissant que d'essayer de la convaincre en lui disant "Mais si, regarde, y a untel qui est épanoui !".
Et là vous vous dites peut-être, si je fais de l’écoute active, qu’est-ce que je reformule dans tout ce que dit Adèle ? La réponse est simple, les raccourcis du langage ! Écoutez et essayez de détecter les trois types de raccourci :
Will : Justement, tu disais par rapport à ton entreprise que tu devais partir pour être mieux ?
Adèle (fataliste): Oui, c’est vrai…
Will : Qu'est-ce qui te fait dire qu'en partant, tu vas être mieux ?
Adèle : Alors ça, c'est une bonne question… C'est même une très bonne question... Parce qu'en fait, je me rends compte que j’étais dans la même situation il y a deux ans, que j’avais déjà changé de boîte à l’époque, et finalement ça recommence. Donc je m’en veux….
Will : Tu t’en veux ?
Adèle : Ben oui, je me rends compte en discutant avec toi que le problème ce n’est pas que le rachat par le fond. En fait, tout est parti en vrille quand je me suis retrouvée sur le projet Gamma… Et pour être tout à fait honnête, c’est même moi qui avais demandé à me retrouver dessus…
Will : hum
Adèle : Donc en fait si je ne suis même pas capable de choisir les bons projets, je vois pas comment je peux être sûr que partir soit la meilleure solution… En fait, il faudrait que je me pose, que je prenne le temps de réfléchir et que j’arrête d’être dans la réaction… Mais je pourrai jamais le faire tant que je suis chez IFG…
Will : Jamais ?
Adèle : Ben non, jamais… Enfin, pas toute seule en tout cas, je ne saurais même pas par où commencer
Je vous ai parlé des raccourcis du langage, je viens de reformuler les 3 principaux : La Distorsion : “je dois quitter mon entreprise pour être mieux”. C’est peut-être une solution, mais ce n’est peut-être pas la seule. C’est sa lecture de la situation. L’Omission, “Je m’en veux” : qu’est-ce qu’elle veut vraiment dire par là ? Si je ne clarifie pas, ça pourrait me conduire à interpréter ce que dit Adèle avec ma lecture. La Généralisation : “Je ne pourrai jamais le faire” qui enferme Adèle dans une croyance limitante alors qu’il existe peut-être des solutions.
Ces raccourcis que l’on peut résumer par l’acronyme DOG sont tout à fait normaux, on en fait tous, mais ils peuvent parfois devenir limitants en biaisant notre vision de la réalité.
Will : Tu disais que tu ne saurais pas par où commencer toute seule ?
Adèle : Ben non… Je pense que j’ai besoin d’aide pour y arriver… D’ailleurs c’est ton métier non d’aider les gens ? Tu serais ok pour m’accompagner ?
Will : oui, avec plaisir.
Conclusion
Will (face caméra) : Je vous propose de nous arrêter là pour ce premier épisode et de récapituler ce que nous avons appris : Quand une personne vient vous voir avec un problème, 9 fois sur 10, ce n’est pas le bon Il est naturel, notamment pour un manager, de poser des questions pour mieux comprendre le problème et y apporter une solution pertinente. C’est le mode détective. Mais aucune solution ne l’est si elle répond au mauvais problème. Il nous semble plus aidant de passer en mode “coach” et d’utiliser l’écoute active pour aider le collaborateur à prendre conscience de son véritable problème. L’écoute active s’appuie sur deux choses : les blancs et la reformulation mot à mot pour créer l’effet miroir. Ils vont permettre à la personne de clarifier et de nuancer sa pensée. Il est souvent aidant de reformuler en priorité, voire de questionner, les trois raccourcis du langage, les DOGs : Distorsions (interprétations), Omissions (flous) et Généralisations. Avec l’écoute active, tout est donc dans l’intention : aider l’autre à prendre conscience plutôt que de vouloir donner la solution.
Dans le prochain épisode, nous verrons comment aider Adèle, à déterminer ce qu’elle pourrait faire pour résoudre son problème par elle-même grâce à la clarification d’objectif.